Greffons

Le greffon est la partie supérieure d’un arbre greffé, la partie aérienne qui va porter les fruits.

Les greffons sont prélevés sur un arbre-mère, l’arbre fruitier que l’on veut reproduire, en coupant une branche. La greffe, généralement réalisée au printemps, consiste à souder le greffon avec le porte-greffe, la partie racinaire. (Voir Porte-greffes)

Les arbres-mères sont sélectionnés pour leur robustesse, leur vigueur, mais d’abord et surtout pour la qualité de leur fruit. Lors de la découverte de nouvelles espèces d’agrumes, les premiers greffons ont été prélevés dans la nature sur des arbres sauvages. Les arbres greffés sur différents porte-greffes sont devenus ensuite eux mêmes des arbres mères.

Le greffon donne son identité, et son nom, à l’arbre d’agrumes. Un Satsuma produira des mandarines, quel que soit le porte-greffe utilisé.

Les arbres d'agrumes (genre Citrus) sont des plantes tropicales originaires d’Asie du sud-est, qui sont apparues et se sont diversifiées au Miocène tardif (il y a entre 6 et 8 millions d’années).

Leur domestication en Chine et en Inde date de 3’000 ans.
Kumquat (‘Ku’), pamplemousse et yuzu (‘Yu’) sont les premières espèces cultivées en Chine à cette époque. Le Poncirus (‘Chih’) est mentionné comme espèce sauvage vers 250 avant JC par le poète Sung Yu. Par multiples hybridations vont émerger en Chine les oranges amères et les mandarines (env. 100 après JC). 

Le citron (‘Jambira’) est connu en Inde dès 800 avant JC.
Adoptés et transmis par les assyriens, les perses puis les grecs (Theophrastus, env. 300 avant JC), les citrons étaient cultivés à Rome avant le début de notre ère (Virgile, env. 50 avant JC). Pour les juifs, le citron était un symbole religieux (Flavius Joseph, 100 après JC), sans doute relié avec l’exil à Babylone.

Les espèces cultivées vont s’échanger entre la Chine et l’inde, comme attesté autour de l’an 1000 après JC par des dictionnaires médicaux et des traités de cultivation, produits des deux cotés de l’Himalaya.

Au Japon, les tout premiers textes littéraires (env. 700 aprés JC) mentionnent mandarines et oranges amères. Le fruit le plus populaire aujourd'hui au Japon, la mandarine satsuma, ne sera introduit depuis la Chine que vers 1500 après JC.

Entre 900 et 1200 après JC, de nombreux traités arabes décrivent la culture en Espagne des oranges amères (‘Naranji’), des pamplemousses (‘Zamboa’) et des citrons (‘Limuna’). Ils témoignent de techniques sophistiquées pour la cultivation, la conservation des fruits et même la production d’huiles essentielles avec le zeste.

Les croisades en Palestine ont contribué à introduire plus largement les agrumes en Europe au Moyen-Age. La première mention d’oranges douces en Sicile date d’environ 1160 (Hugo Falcando). Vers 1300 Piero de Crescenzi recommande des «endroits fermés» pour protéger les agrumes, déjà répandus dans tout le sud italien. 

A la Renaissance en Toscane les hivers rigoureux obligent à cultiver en serres, que les nobles vont ensuite faire construire jusqu’en Allemagne, France et Hollande. Les parfumiers italiens s’emparent des agrumes, fleurs ou zestes, en particulier de la bergamote calabraise, à l’origine de l’eau de Cologne.

En 1520, l’orange «de Chine», orange douce commune, était cultivée à Lisbonne et dans la vallée du Tage (Valmont de Bomare), exportée vers l’Espagne, puis l’Europe vers 1610.

L’introduction sur le continent américain commence très tôt après la conquête espagnole et portuguaise. Les agrumes trouvent un climat favorable dans les Antilles et au Mexique, la qualité des citrons, oranges douces et amères est jugée meilleure qu’en Europe (Gonzalo d’Oviedo 1526).

Les espagnols introduisent les pamplemousses en Floride au 18ème siècle. Cette région sera à l’origine de la plupart des variétés commerciales modernes.

De 1700 à 1800, la Riviera italienne et française est le centre principal de production en Europe, meme si les citrons souffrent parfois du gel trop intense dans les zones exposées (1763, 1782, 1799).  Le commerce devient important vers toute l’Europe du nord, très organisé et règlementé. Les volumes augmentent avec la multiplication de plantations en Sicile (22’000 tonnes en 1850, 78’000 tonnes en 1869). Les exportations atteignent la Russie et les Etats-Unis.

Avec les débuts de l’industrialisation, les confitures et les huiles essentielles prennent de l’importance en Calabre et en Sicile.

En Espagne, les plantations à grande échelle s’étendent de 3’000 hectares en 1873 à 40’000 hectares en 1908, principalement d’oranges. De nouvelles variétés sont commercialisées, mandarines de Sicile, clémentines d’Algérie, pamplemousses américains. Des hybrides sont créés pour leur fruit et leur utilité comme porte-greffes.

Les agrumes sont aujourd’hui sur tous les continents. Grace à leur facultés exceptionnelles d’adaptation et d’hybridation, les fruits du genre Citrus sont les plus cultivés au monde. L’orange douce, déclinée en de multiples variétés et cultivars est le fruit dominant, avec 70 millions de tonnes produites en 2000.

Librement adapté de :

The Genus Citrus. Chapter 1. Francesco Calabrese. 2002